Projet de loi n° 1048 portant diverses dispositions d’ordre fiscal

Fiscalité • Immobilier • Société • Entités juridiques • Bénéficiaires économiques effectifs

Le projet de loi n° 1048 daté du 15 octobre 2021 (2021-19), reçu par le Conseil National le 22 octobre 2021 prévoit l’augmentation du montant des droits d’enregistrement fixe, droits proportionnels (mutation de biens et droits immobiliers), et une refonte du régime des droits d’enregistrement applicables aux opérations immobilières soumises à la TVA.

Cette augmentation vise à ce « que les budgets demeurent, hormis des évènements exceptionnels et imprévisibles comme la Covid-19, équilibrés dans la mesure où le modèle monégasque est indissociablement lié à l’équilibre budgétaire ».[1]

Le Gouvernement a pris en compte l’autre impératif de ne pas freiner le développement des activités et à l’attractivité de la Principauté, c’est-à-dire que « cette hausse provisionnelle non négligeable » n’ait qu’une « incidence limitée » pour les personnes concernées. [2]

L’article 70 de la Constitution donne compétence au législateur pour établir toute contribution.

Droit d’enregistrement fixe

Le droit d’enregistrement fixe est applicable à tous les actes qui ne sont pas soumis aux droits proportionnels visés par la Loi n° 580 du 29/07/1953 portant aménagement des droits d’enregistrement et d’hypothèques modifiée, ou par un autre texte  (article 2 Loi n° 580).

Il constitue également le minimum de perception lorsque le produit d’un droit proportionnel lui est inférieur.  

Le montant actuel de 10 € serait porté à 50 € :

-> Acte constitutif d’un gage de monnaie ou de valeurs mobilières (article 2 bis Loi n° 580).

-> Mutation de biens situés à l’étranger, et enregistrement des actes et jugements étrangers (article 18, 3e alinéa de l’article 19, article 20 de la Loi n° 223 du 27/07/1936 portant codification et modification des droits d’enregistrement, de timbre et d’hypothèques, modifiée).

-> Actes accomplis par les sociétés étrangères (2e alinéas des articles 30 et 31 de la Loi n° 223).

-> Dépôt d’une déclaration d’absence de changement de bénéficiaires effectifs (article 14 de la Loi n° 1.381 du 29/06/ 2011 relative aux droits d’enregistrement exigibles sur les mutations de biens et droits immobiliers, modifiée).

Droits proportionnels 

Sont en particulier visés les droits d’enregistrement exigibles sur les mutations de biens et droits immobiliers. 

Pour rappel, les prélèvements de l’Etat de Monaco dans le domaine immobilier sont les suivants : droits de mutations, droits de transcription hypothécaire, perceptions de TVA réalisées sur la vente d’immeubles neufs.

Il n’existe pas à Monaco d’impôt foncier, d’impôt sur les plus-values, d’imposition des revenus locatifs, de taxes foncière ou d’habitation, et d’autre taxe locale particulière (taxe de collecte des ordures ménagères, etc…).

1/ Le taux actuel de 4,50 % serait élevé à 4,75 % :

-> Mutations de biens immobiliers et autres opérations (énumérées aux chiffres 1° à 8° de l’article 13 bis de la loi n° 580 du 29/07/1953 portant aménagement des droits d’enregistrement et d’hypothèques, modifiée), réalisées au profit d’une personne physique ou d’une société civile immatriculée à Monaco, autre que celles ayant la forme anonyme ou en commandite, dont les associés sont exclusivement des personnes physiques agissant pour leur propre compte lorsque leur identité est connue de la Direction des Services Fiscaux. (article 12 1° de la Loi n° 580).

-> Actes portant réduction du capital social de toutes entités juridiques visées à l’article 2 de la Loi n° 1.381 du 29/06/ 2011*,  titulaires de droits réels sur des biens immobiliers situés sur le territoire de la Principauté, quel que soit le lieu de leur siège social ou la législation qui leur est applicable, entraînant attribution de ces mêmes droits à une ou plusieurs personnes physiques identifiées en qualité de bénéficiaire économique effectif. (article 12 2° de la Loi n° 580).

-> Changement du ou de l’un des bénéficiaires économiques effectifs de toute entité juridique titulaire de droits réels sur un ou plusieurs biens immobiliers situés sur le territoire de la Principauté (article 13 de la Loi n° 1.381).

Il peut être relevé que la Loi n° 1.381 du 29/06/2011 a mis en place un dispositif visant à éviter que les biens immobiliers situés à Monaco échappent au paiement des droits de mutations exigibles par recours à des montages juridiques, et à inciter les mutations immobilières en faveur de personnes physiques ou de sociétés civiles immatriculées à Monaco répondant à des critères de transparence.  Le droit de mutation avait ainsi été abaissé à 4,50 %. Voir en complément notre Panorama juridique 2015

2/ Le taux actuel de 7,50 % serait élevé à 9,50 % (article 13 bis de la Loi n° 1.381) :

-> Toute transaction réalisée par une structure autre qu’une société civile immatriculée à Monaco, dont les associés ne sont pas exclusivement des personnes physiques agissant pour leur propre compte et lorsque leur identité n’est pas connue de la Direction des Services Fiscaux.

Il ressort de la volonté du Gouvernement par cette majoration plus importante visant les mutations opérées par des entités non transparentes « d’inciter davantage les acquéreurs à ne pas recourir à des structures opaques dans la lignée de la loi n° 1.381 du 29 juin 2011, modifiée, susvisée. De plus, une fiscalité plus importante sur les mutations effectuées par des sociétés dites non transparentes contribuera à renforcer les nombreux engagements pris par la Principauté en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme pour se conformer aux standards internationaux à l’effet de garantir une plus grande transparence des transactions financières ».[3]

-> Adjudications, ventes, reventes, cessions, rétrocessions et tous autres actes civils et judiciaires translatifs de propriété ou d’usufruit de biens immeubles à titre onéreux.

-> Baux à rente perpétuelle de biens immeubles, ceux à vie et ceux dont la durée est illimitée.

-> Déclarations ou élections de command et d’ami, par suite d’adjudication ou contrat de vente de biens immeubles, si la déclaration est faite et notifiée après vingt-quatre heures de l’adjudication ou lorsque la faculté d’élire un command n’a pas été réservée dans l’adjudication ou le contrat de vente.

-> Parts et portions indivises de biens immeubles acquises par licitation.

-> Retours ou plus-values d’échanges et de partages de biens immeubles.

-> Retraits exercés après l’expiration des délais convenus par les contrats de vente sous faculté de réméré, ou après cinq années à compter de la date de ces actes, si la faculté de retrayer y a été stipulée pour plus de cinq ans.

-> Cessions à titre onéreux d’actions ou de parts de sociétés civiles immatriculées à Monaco, autres que celles ayant la forme anonyme ou en commandite, et dont l’actif social, détenu directement ou par l’intermédiaire d’une participation dans une ou plusieurs autres sociétés civiles, comprend des biens immeubles ou des droits réels portant sur des biens immobiliers situés en Principauté.

-> Echanges de biens immeubles.

-> Actes portant réduction du capital social ou dissolution des entités juridiques visées à l’article 2 de la loi n° 1.381 du 29/06/2011* titulaires de droits réels sur des biens immobiliers situés sur le territoire de la Principauté quel que soit le lieu de leur siège social ou la législation qui leur est applicable, entraînant attribution de ces droits.

-> Actes d’apport de biens immobiliers ou de droits réels portant sur des biens immobiliers situés sur le territoire de la Principauté au profit d’entités juridiques visées à l’article 2 de la loi n° 1.381 du 29/06/2011* sur la valeur vénale des biens immobiliers ou des droits ainsi apportés :

  • soit, à une ou plusieurs personnes physiques n’ayant pas la qualité de bénéficiaire économique effectif,
  • soit, à une ou plusieurs entités juridiques visées à l’article 2 de la loi n° 1.381.

-> Lorsqu’ils donnent lieu à la création d’une entité juridique nouvelle et/ou à un changement du ou de l’un des bénéficiaires économiques effectifs, au sens de la loi n° 1.381, les actes emportant, notamment, changement de nationalité ou de forme juridique des entités juridiques titulaires de droits réels sur des biens immobiliers situés sur le territoire de la Principauté, quel que soit le lieu de leur siège social ou la loi qui leur est applicable.

Droits d’enregistrement applicables aux opérations immobilières soumises à la TVA

La Loi n° 842 du 01/03/1968 tendant à modifier le régime des droits d’enregistrement applicable aux opérations immobilières soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, n’a jusqu’à présent subi aucune modification.  

A ce jour, l’article 1er de la Loi n° 842 prévoit que l’enregistrement des actes qui donnent lieu au paiement de la TVA n’entraîne l’exigibilité d’aucun droit d’enregistrement à raison des opérations  immobilières soumises à cette taxe (sous réserve des conditions posées aux articles suivants).

Le Gouvernement envisage d’y substituer une exonération de moitié des droits d’enregistrement.

L’exonération partielle serait applicable aux :

-> Actes constatant soit des ventes, soit des apports en société de terrains à bâtir ou de biens assimilés à ces terrains par l’article 2 de l’Ordonnance Souveraine n° 3.982 du 29/02/1968, soit le versement d’indemnités de toute nature aux personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance ou qui les occupent en droit ou en fait, sous certaines conditions :

  • l’acte d’acquisition doit contenir l’engagement, par l’acquéreur, d’effectuer dans un délai de quatre ans, à compter de la date de l’acte, les travaux nécessaires, selon le cas, pour édifier un immeuble ou un groupe d’immeubles, pour remettre les immeubles en état, pour terminer les immeubles en cours de construction, pour construire de nouveaux locaux en surélévation ou pour transformer les immeubles en vue d’une nouvelle affectation ;
  •  l’acquéreur doit justifier, au plus tard dans les trois mois qui suivent l’expiration du délai de quatre ans, de l’exécution des travaux prévus par la production d’un certificat délivré par le département des travaux publics et des affaires sociales.

Pour les opérations immobilières portant sur les terrains destinés à la construction de maisons individuelles, l’exonération partielle n’est applicable qu’à concurrence d’une certaine superficie (2 500 m2 par maison ou superficie minimale exigée par le règlement de voirie si elle est supérieure).

L’exonération partielle serait applicable sans limitation de superficie aux terrains destinés à la construction d’immeubles collectifs, à condition que les constructions à édifier couvrent, avec leurs cours et jardins, la totalité des terrains acquis.

 

*Société, personne morale ou construction juridique tels que notamment les fondations, les fiducies, les trusts, les fonds d’investissement (à l’exception des fonds largement répartis dans le public et agréés par la Direction des services fiscaux et, le cas échéant, par la Commission de Contrôle des Activités Financières), entité liée à une compagnie d’assurance ou agissant pour le compte ou sur mandat de celle-ci dans le cadre de tout contrat d’assurance dont le capital inclut notamment des droits réels immobiliers, y compris une police d’assurance-vie.

 

[1] Exposé des motifs du projet de loi n° 1048, p. 1.

[2] Exposé des motifs du projet de loi n° 1048, p. 2.

[3] Exposé des motifs du projet de loi n° 1048, p. 6.

 
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