Activités financières ● CCAF : Loi n° 1.515 du 23 décembre 2021 modifiant la Loi n° 1.338 du 7 septembre 2007
Monaco • Bancaire & Financier
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La Loi n° 1.515 du 23 décembre 2021 portant modification de la Loi n° 1.338 du 7 septembre 2007 sur les activités financières, modifiée (publiée au JDM n° 8572 du 7 janvier 2022) est issue du projet de loi n° 1035(1), reçu par le Conseil national le 30 avril 2021 et voté le 15 décembre 2021.
La réforme de la Loi n° 1.338 s’inscrit dans l’objectif de la Principauté de Monaco que la Commission de Contrôle des Activités Financières (CCAF)(2) obtienne le statut de Membre Ordinaire(3) (Ordinary Member) de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs – International Organization of Securities Commission (OICV-IOSCO), afin d’être « consacrée au plan international aux côtés des nombreux Etats qui par leur adhésion à l’O.I.C.V. participent à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés financiers »(4).
La coopération internationale (assistance mutuelle et échanges d’informations entre autorités compétentes de régulation et de surveillance des marchés financiers) poursuivie par l’OICV-IOSCO a « pour objectif d’assurer le respect des législations visant à réprimer les infractions boursières et à permettre la surveillance des transactions, des intermédiaires, des marchés et des organismes participant à leur fonctionnement ».(5)
Le statut de Membre Ordinaire de l’OICV-IOSCO est conditionné par la signature du Protocole d’accord concernant la consultation et la coopération et l’échange d’informations – Multilateral Memorandum of Understanding Concerning Consultation and Cooperation and the Exchange of Information (MMoU).
L’avis favorable du Groupe d’évaluation (Screening Group)6 de l’OICV-IOSCO, adressé à la CCAF le 10 novembre 2020, a été donné sous réserve que des modifications soient au préalable apportées à la Loi n° 1.338 afin de répondre aux critères requis, ce que le projet de loi n° 1035 formalise.7
LES APPORTS DE LA LOI N° 1.515, dans ses grandes lignes :
> Renforcement des missions de la CCAF, notamment de contrôle et d’enquête, et son statut d’Autorité Administrative Indépendante (modification de la section II, Sous-sections I à IV : art. 10 à 15 L. n° 1.338) ;
> Précision des relations de la CCAF avec les autorités de supervision et les échanges d’informations (modification de la section II, Sous-section V : art. 16 à 20 L. n° 1.338);
> Modernisation de l’énoncé des activités financières dont l’exercice à Monaco nécessite la délivrance d’un agrément par la CCAF (modification de l’art. 1er L. n° 1.338), comme suit :
1°) la gestion de portefeuilles pour le compte de tiers ;
2°) la gestion d’organismes de placement collectif de droit monégasque ;
3°) la réception et la transmission d’ordres pour le compte de tiers ;
4°) le conseil et l’assistance dans les matières visées aux chiffres 1°) à 3°) ;
5°) l’exécution d’ordres pour le compte de tiers ;
6°) la gestion d’organismes de placement collectif de droit étranger ;
7°) la négociation pour compte propre.
> Suppression de l’incompatibilité d’exercice de l’activité de gestion d’organismes de placement collectif de droit monégasque avec les activités de gestion de portefeuilles pour le compte de tiers, de réception et transmission d’ordre pour le compte de tiers, d’exécution d’ordres pour le compte de tiers et de négociation pour compte propre (suppression du 2e al. de l’art. 4 L. n° 1.338) ;
> Renforcement de l’exigence d’identification des apporteurs de capitaux et des actionnaires des sociétés agréées, obligations de conservation des informations et d’enregistrement des services et transactions (modification du 1er al. de l’art. 5 L. n° 1.338) ;
> Autorisation préalable de la CCAF pour la modification des agréments à la place de la simple information de la CCAF (modification de l’art. 8 L. n° 1.338) ;
> Ediction de règles plus strictes pour les sociétés agréées en matière de conflits d’intérêts (nouveaux art. 23-1 et 23-2 L. n° 1.338). Les règles de gestion des conflits d’intérêts doivent être fixées par écrit et être appropriées à la taille, à l’organisation et à la nature des activités des sociétés agréées, selon les modalités définies par ordonnance souveraine. Ces dernières doivent conserver les informations pertinentes et un enregistrement (y compris des conversations téléphoniques et des communications électroniques en rapport avec les transactions) de tous services qu’elles fournissent et de toutes transactions qu’elles effectuent, permettant à la CCAF de contrôler le respect de leurs obligations.
> Remplacement de l’obligation générale à la charge des sociétés agréées de communication à la CCAF des documents relatifs à leurs activités et destinés à leurs clients ou au public préalablement à leur publication ou à leur diffusion, l’initiative de cette communication étant donnée à la CCAF (modification de l’art. 28 L. n° 1.338) ;
> Règlementation plus précise des conditions dans lesquelles les démarches publicitaires visant à proposer, quel que soit le moyen proposé, des services ou produits financiers peuvent être, ou non, réalisées sur le territoire de la Principauté (modification de l’art. 29 L. n° 1.338) ;
> Suppression de l’exemption accordée aux établissements de crédit en matière de démarchage [art. 29 L. n° 1.338] et de communication des documents relatifs à leurs activités et destinés à leurs clients ou au public préalablement à leur publication ou à leur diffusion à la CCAF [art. 28 L. n° 1.338] (modification de l’art. 32 L. n° 1.338) ;
> Modification des délais pour adresser à la CCAF le rapport annuel d’activité et l’attestation [4 mois au lieu de 6], les comptes annuels et les rapports des commissaires aux comptes [au plus tard 15 jours après l’approbation des comptes annuels](modification de l’art. 30 L. n° 1.338) ;
> Inscription d’une nouvelle obligation des commissaires aux comptes de signalement à la CCAF, de tout fait concernant une société agréée de nature à porter atteinte à la situation financière de la société ou susceptible d’entraîner l’émission de réserves ou le refus de la certification des comptes (nouvel art. 31-1 L. n° 1.338) ;
> Extension de la compétence de la CCAF à l’égard des sociétés qui exercent des activités financières sans avoir obtenu au préalable l’agrément, laquelle sera fondée à mettre en demeure la société concernée de faire cesser ces activités (nouvel art. 33-1, al. 2 L. n° 1.338) ;
> Dorénavant, la CCAF peut prononcer la suspension temporaire de l’agrément ou son retrait définitif, lorsque la société agréée ne s’est pas livrée, sans motif légitime, à une activité notable pendant une période de six mois (au lieu de 12 mois) (modification du chiffre 1° du 2e al. de l’art. 34 L. n° 1.338) ;
> Publication automatique des décisions de sanctions de suspension ou de révocation d’agrément prononcées par la CCAF, non seulement au Journal de Monaco mais aussi sur le site Internet de la CCAF ; la publication des autres décisions de sanctions est facultative (modification du dernier al. de l’art. 39 L. n° 1.338) ;
> S’agissant des sanctions pénales encourues par les dirigeants des sociétés agréées au titre de l’art. 48 de la Loi n° 1.338 [mettre obstacle aux vérifications ou aux contrôles des commissaires aux comptes ou refuser à ceux-ci la communication des pièces utiles à l’exercice de leur mission ; refuser de communiquer à la CCAF ou aux personnes qu’elle habilite en vertu de l’art. 13 les pièces utiles à l’accomplissement de leur mission ; ne pas procéder à la communication prévue à l’art. 28 ou publier ou faire publier, diffuser ou faire diffuser des documents en méconnaissance d’une décision de la CCAF en prescrivant la modification ou l’interdiction ; en violation des dispositions de l’art. 29, procéder ou faire procéder à des démarches, ou faire insérer des mentions publicitaires prohibées], aggravation du maximum de la sanction pénale encourue qui peut être porté au triple du chiffre 4°) de l’art. 26 du Code pénal (modification du 1er al. de l’art. 46 L. n° 1.338) ;
> Précision que les infractions consistant à faire obstacle aux contrôles et enquêtes de la CCAF ou à lui communiquer des renseignements inexacts, ainsi que les manquements aux interdictions des démarches commerciales ou
d’insertions publicitaires mentionnées à l’art. 29 peuvent être poursuivies pénalement à l’encontre de toute personne et non pas seulement à l’encontre des dirigeants des sociétés agréées (modification des chiffres 2°) et 4°) de l’art. 46 L. n° 1.338) ;
>Aggravation des sanctions pénales prévues à l’art. 48, portées au chiffre 4°) de l’art. 26 du Code pénal [pour toute personne, ne pas répondre à la convocation de la CCAF, sans motif légitime, en vue d’une audition ; pour les dirigeants de sociétés agréées, ne pas transmettre à la CCAF les documents mentionnés à l’art. 30 ; pour toute autre personne que les dirigeants des sociétés agréées, mettre obstacle aux vérifications ou aux contrôles des commissaires aux comptes ou refuser à ceux-ci la communication des pièces utiles à l’exercice de leur mission] (modification du 1er al., des chiffres 1°) et 2°) de l’art. 48 L. n° 1338) ;
> Nouvelle disposition relative aux sanctions pénales encourues par les personnes morales déclarées responsables pénalement des infractions définies par la Loi n° 1.338 dans les conditions de l’article 4-4 du Code pénal [amende prévue à l’art. 29-2 CP et peines prévues aux art. 29-3 et 29-4 CP] (modification de l’art. 49 L. n° 1338) ;
> Création d’une nouvelle section relative aux infractions d’abus de marché (délits d’initiés, manipulation de marché) sur le modèle du droit français (issues des règles de l’Union Européenne8), tenant compte de l’absence de place boursière à Monaco (pas de définition de la « pratique de marché admise ») : définition complétée des délits d’initié (trois catégories : internes, externes, tertiaires), de la divulgation d’informations privilégiées, de la diffusion d’informations fausses ou trompeuses; introduction des délits de manipulation de marché (trois catégories : liée aux ordres et aux comportements, résultant de la diffusion d’informations fausses ou trompeuses, concernant les indices de référence) (nouvelle Section VI. L. n° 1338).
Voir notre publication liée : https://gbmlf.miam.dev/secteur-bancaire-financier-et-des-assurances-projet-de-loi-n-1051-relative-aux-indices-de-reference/
1 Projet de loi n° 1035, 2021-10, 21 avril 2021.
2 La CCAF a obtenu le statut de membre associé (Associate Member) de l’OICV-IOSCO (créé en 1983) en janvier 2018. A ce titre, la CCAF est membre du Comité des Présidents, mais n’a pas de droit de vote (se réunit une fois par an lors de la Conférence annuelle).
3 Les membres ordinaires de l’OICV disposent d’une voix aux réunions du Comité des Présidents (qui se réunit chaque année lors de la conférence annuelle) et de tout autre Comité auquel ils appartiennent.
4 Exposé des motifs du projet de loi n° 1035, p. 2. Les objectifs et les principes de réglementation des valeurs mobilières de l’OICV-IOSCO ont été approuvés par le G20 et le Conseil de stabilité financière – Financial Stability Board (CSF-FSB) créé en 2009.
5 Exposé des motifs du projet de loi n° 1035, p. 8.
6 Composé des membres du Monitoring Group, le Screening Group a pour missions d’évaluer si le demandeur a l’autorité légale pour se conformer aux dispositions spécifiques du MMoU, de faire une recomman-dation générale au Decision-making Group, d’examiner le rapport de la Verification Team, de notifier au candidat la recommandation proposée avant de conseiller le Decision-making Group et donner au demandeur l’occasion d’être entendu s’il n’est pas d’accord avec la Recommandation.
7 Exposé des motifs du projet de loi n° 1035, p. 3. La CCAF a initié le processus d’adhésion à l’OICV-IOSCO en qualité de Membre Ordinaire en 2018.
8 Directive 2014/57/UE du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché ; Règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché.