Loi n°1541 du 16 décembre 2022 relative aux infections nosocomiales
23.12.2022
Etablissement de santé • Public • Responsabilité • Indemnisation
La Loi n° 1.541 du 16 décembre 2022 relative aux infections nosocomiales (JDM n° 8622 du 23 décembre 2022) est issue du projet de loi n° 1040, reçu le 28 juin 2021 par le Conseil national et voté le 7 décembre 2022.
Elle vise à “un juste équilibre entre les intérêts des patients et ceux des établissements de santé” (Commission des Intérêts Sociaux et des Affaires Diverses, Rapport sur le projet de loi, p. 8).
SYNTHESE :
– Les trois axes de la loi sont les suivants :
• Définition des actions devant être mises en œuvre par les établissements de santé (publics et privés) afin de prévenir la survenance des infections nosocomiales (prophylaxie) – Entrée en vigueur six mois après la publication de la loi ;
• Encadrement du régime de responsabilité pour faute de l’établissement pour les conséquences dommageables d’une infection nosocomiale ;
• Instauration d’un mécanisme d’indemnisation par l’Etat des dommages résultant d’une infection nosocomiale, en cas d’absence de faute de l’établissement, à certaines conditions.
– Application dans le temps de la loi :
Les dispositions régissant la responsabilité de l’établissement de santé et l’indemnisation par l’Etat seront applicables :
→ aux faits postérieurs à la publication de la loi (le 23 décembre 2022), et
→ aux faits antérieurs pour lesquels aucune instance en justice n’a été introduite avant cette publication.
POUR ALLER PLUS LOIN (présentation détaillée) :
— Définitions et champ d’application de la loi :
• Au sens de la loi, seule peut être qualifiée de nosocomiale une “infection survenant chez une personne au cours ou au décours de sa prise en charge par un établissement de santé et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de cette prise en charge, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge” .
Cette définition est celle retenue par le Conseil d’Etat français (CE Section, 23 mars 2018, n°402237, Publié au recueil Lebon) et reprise par la Cour de cassation française (Cass. civ., Ch. civ., 6 avril 2022, n°20-18.513, Publié au bulletin).
Elle se fonde sur deux critères, en ce que l’infection nosocomiale est à la fois celle qui a été contractée au cours ou au décours de la prise en charge, mais aussi celle qui a pour origine la prise en charge.
• La loi s’applique à l’établissement de santé (à distinguer du professionnel de santé), entendu comme “tout établissement, public ou privé, qui assure le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés ou des femmes enceintes, et qui délivre les soins avec hébergement et, éventuellement, sous forme ambulatoire ou à domicile, le domicile pouvant s’entendre du lieu de résidence ou d’un établissement ou service médico-social avec hébergement”.
— Actions de prévention de l’établissement de santé (prophylaxie) :
Il est fait obligation à l’établissement de santé :
• d’établir et d’actualiser des protocoles, des fiches techniques ou des guides de pratique qui doivent être librement et facilement accessibles à tout son personnel, en ce qui concerne les domaines suivants :
1) les bonnes pratiques d’hygiène liées aux soins relatives, notamment, aux précautions standard, à l’hygiène des mains, à la tenue vestimentaire et à la sécurité des actes à risque ;
2) la prévention du risque infectieux dans les zones à haut risque ;
3) la prévention de la transmission de bactéries multirésistantes aux antibiotiques et de bactéries hautement résistantes aux antibiotiques émergentes ;
4) la prévention des risques épidémiques, notamment par la promotion auprès des patients et du personnel de la vaccination ;
5) l’épidémiologie et les signalements ;
6) l’utilisation des dispositifs médicaux réutilisables, avec des procédures adéquates selon le type de matériel ;
7) l’utilisation des produits, notamment les désinfectants ;
8) la sécurité et la surveillance de l’environnement.
L’établissement est tenu de s’assurer de leur bonne application et d’évaluer au moins une fois par an les pratiques de chaque service au regard de leur contenu, de mettre en œuvre des mesures correctives le cas échéant.
• d’élaborer un bilan annuel des infections nosocomiales, transmis à la Direction de l’action sanitaire.
• de mettre en place un dispositif de maîtrise du risque infectieux et de bon usage des antibiotiques qu’il doit évaluer périodiquement, d’assurer des actions de formation périodique des personnels concernés au bon usage des antibiotiques ainsi qu’une surveillance épidémiologique des résistances bactériennes aux antibiotiques.
— Responsabilité des établissements de santé (présomption de faute) :
• Sous réserve des dispositions législatives particulières applicables à leur responsabilité, les professionnels et établissements de santé sont responsables des conséquences dommageables d’infections nosocomiales endogènes ou exogènes, en cas de faute.
• Pour pouvoir être exonéré de sa responsabilité, l’établissement de santé doit rapporter la preuve :
→ soit d’une cause étrangère,
→ soit de l’absence de faute,
→ soit de l’absence de lien de causalité.
— Indemnisation par l’Etat uniquement en cas de preuve de l’absence de faute de l’établissement de santé reconnue par une décision de justice devenue irrévocable :
L’indemnisation peut être demandée (dans le délai d’une année à compter de la date à laquelle la décision de justice est devenue irrévocable ou de la consolidation de l’état de santé du demandeur lorsque cette consolidation intervient après cette date) par :
• la personne victime d’un déficit fonctionnel permanent de 25% au moins, imputable à une infection nosocomiale ;
• la personne victime d’un déficit fonctionnel temporaire de 50% au moins et d’une durée minimale de six mois imputable à une infection nosocomiale.
En cas de décès du fait d’une infection nosocomiale, son conjoint, son partenaire d’un contrat de vie commune, ses enfants et ses ascendants au premier degré, peuvent demander une indemnisation (si aucune indemnisation n’a déjà été versée en application des critères précédents) (dans le délai d’une année à compter du décès de la personne).
Le plafond d’indemnisation et les modalités d’application seront fixées par arrêté ministériel.