Loi n° 1.522 du 11 février 2022 relative aux indices de référence (bancaire & financier, assurances)

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La Loi n° 1.522 du 11 février 2022 relative aux indices de référence (JDM n° 8577 du 11 février 2022) est issue du projet de loi n° 1051 relative aux indices de référence (7 articles), reçu par le Conseil National le 6 décembre 2021, et voté en Séance publique extraordinaire le 31 janvier 2022.

Le texte s’inscrit dans le cadre des activités financières des établissements de crédit, des sociétés et entités agréées sur le fondement de l’article 2 de la loi n° 1.338 du 7 septembre 2007 modifiée, des entreprises d’assurances, ainsi que dans le cadre des relations contractuelles avec leurs clients.

La Loi n° 1.522 concerne « la problématique de la cessation ou de l’abandon d’indices de référence tels que le taux interbancaire offert à Londres, le LIBOR, qui interviendra à la fin de l’année 2021[1], alors qu’il existe de nombreux contrats relatifs à des prêts, des dépôts à terme, des titres et des produits dérivés qui se réfèrent à de tels indices de référence ».[2]

Concrètement, dans un « objectif de sécurité juridique, tant du point de vue de la stabilité du système financier, que dans le cadre des relations contractuelles des professionnels du secteur bancaire et financier avec leurs clients », le projet de loi n° 1051 vise :

—d’une part, « à ce que les professionnels qui utilisent des indices de référence prévoient, à titre préventif, des mesures destinées à prévenir la disparition de tels indices » ;

—d’autre part, « lorsqu’à l’occasion de la disparition d’un indice de référence, la désignation d’un nouvel indice par la voie d’une négociation contractuelle s’avère impossible », à donner compétence aux autorités réglementaires pour désigner un indice de remplacement qui permettra la poursuite des contrats.

La Loi n° 1.522 s’inspire des principes définis par l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs  (OICV-IOSCO) relatifs aux indices de référence financiers (Principles for Financial Benchmarks), ainsi que de sa Déclaration sur les questions à prendre en considération lors de l’utilisation des indices de référence financiers (pour choisir un indice approprié et pour établir des plans d’urgence en cas de disparition d’un tel indice).

Pour rappel, la Principauté de Monaco vise à ce que la Commission de Contrôle des Activités Financières (CCAF) obtienne le statut de Membre Ordinaire (Ordinary Member) de l’OICV. Voir notre publication liée > Activités financières ● CCAF : Loi n° 1.515 du 23 décembre 2021 modifiant la Loi n° 1.338 du 7 septembre 2007)  

Compte tenu de la proximité du secteur bancaire et financier monégasque avec le droit français et le droit de l’Union européenne, législateur monégasque s’est également appuyé sur le Règlement (UE) 2021/168 du Parlement européen et du Conseil du 10 février 2021 modifiant le règlement (UE) 2016/1011 en ce qui concerne l’exemption pour certains indices de référence de taux de change au comptant de pays tiers et la désignation d’indices de référence de remplacement pour certains indices de référence en cessation, et modifiant le règlement (UE) no 648/2012. Le Règlement (UE) 2021/168 a établi un cadre pour la cessation ou l’abandon ordonné des indices de référence.

Celui-ci comprend un mécanisme faisant passer les contrats existants ou certains instruments financiers au sens de la directive 2014/65/UE, à un indice de référence de remplacement désigné, lorsque ces contrats, ou instruments financiers ne peuvent être renégociés pour intégrer une disposition contractuelle de repli avant la cessation de cet indice de référence.

En effet, un grand nombre de contrats qui touchent les opérateurs économiques dans l’Union Européenne ont trait à la dette, aux prêts, aux dépôts à terme, aux titres et aux produits dérivés, se réfèrent au LIBOR et ne contiennent pas de dispositions de repli suffisamment solides pour couvrir la cessation ou l’abandon du LIBOR. Le Règlement (UE) 2021/168 permet ainsi d’éviter la non-exécution de contrats, laquelle pourrait gravement perturber le fonctionnement des marchés financiers de l’Union Européenne.

Il convient de rappeler qu’en vertu des accords franco-monégasques en matière bancaire et de l’Accord monétaire du 29 novembre 2021 avec l’Union européenne, le droit français régit l’activité et le contrôle des établissements de crédit monégasques.

En revanche, les relations contractuelles des professionnels concernés avec leurs clients et les activités financières dont s’agit ici, sont régies par le droit monégasque.  

Dispositif de la Loi n° 1.522, dans ses grandes lignes :

♦ Définitions des indices de référence :

Est adoptée la définition du Règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement.  Ce en raison « de la proximité tant pratique que conventionnelle du secteur bancaire et financier monégasque avec le droit français et le droit de l’Union européenne ».[3]

L’« indice de référence » est ainsi défini comme «  tout indice par référence auquel sont déterminés le montant à verser au titre d’un instrument financier ou d’un contrat de crédit ou la valeur d’un instrument financier, ou un indice qui est utilisé pour mesurer la performance d’un fonds commun de placement ou d’un fonds d’investissement dans le but de répliquer le rendement de cet indice, de définir l’allocation des actifs d’un portefeuille ou de calculer des commissions de performance ; ».

♦ Obligation de documenter le choix de l’indice de référence retenu :

L’indice de référence retenu doit être approprié à l’utilisation ciblée.

♦ Obligation d’établir par écrit et de tenir à jour des plans d’urgence définissant les politiques et procédures relatives aux mesures à prendre si un indice de référence choisi subissait des modifications importantes ou venait à disparaître :

Les professionnels concernés doivent s’assurer que les plans d’urgence sont solides (capacité à répondre de manière efficace aux hypothèses de modification ou de disparition d’un indice de référence).

Ils doivent également s’assurer de la pertinence des politiques et des procédures, sur le fondement des critères proposés par l’O.I.C.V. (politiques et procédures adaptées à l’objet des contrats, aux instruments financiers existants et futurs, et aux fonds communs de placement et fonds d’investissement qui font référence à un indice de référence ; mesure de l’impact potentiel qui pourrait résulter de la cessation ou d’un changement important de l’indice de référence).

♦ Relations contractuelles avec les clients :

Il est fait obligation aux professionnels concernés d’intégrer les plans d’urgence dans les relations contractuelles avec leurs clients. Lorsque cela est possible et approprié, ces plans d’urgence comprennent des modèles de clauses « de repli » suffisamment solides à insérer dans les contrats et dans la documentation contractuelle des fonds communs de placement, des fonds d’investissement et des instruments financiers. Elles sont également insérées, lorsque cela est possible, dans les contrats en cours dans le cadre d’une renégociation, et dans la documentation contractuelle des fonds communs de placement, des fonds d’investissement et des instruments financiers en vigueur. Les clauses de repli désignent au moins un autre indice de référence pour remplacer l’indice initialement désigné, pour le cas où celui-ci ne serait plus fourni.

♦ Détermination de la pertinence du taux de référence de remplacement :

Les professionnels concernés doivent se référer aux critères définis par arrêté ministériel sur la base de ceux proposés par l’O.I.C.V.

♦ Mécanisme de contrôle des obligations :

Les professionnels concernés sont tenus de communiquer sur demande la documentation relative au choix de l’indice et les plans d’urgence, selon le cas au Ministre d’Etat (établissements de crédit et entreprises d’assurances) ou à la Commission de Contrôle des Activités Financières – C.C.A.F. (sociétés et entités agréées sur le fondement de l’article 2 de la loi n° 1.338 du 7 septembre 2007).

Des sanctions en cas de manquement aux obligations pourraient être prononcées par le Ministre d’Etat ou la C.C.A.F.  L’article 34 de la loi n° 1.338 du 7 septembre 2007, modifiée, serait complété pour faire référence aux manquements aux obligations relatives aux indices de référence.

♦ Compétence du Ministre d’Etat, lorsqu’un indice de référence fait l’objet d’une décision de remplacement, émanant en particulier de la Commission européenne en application du Règlement (UE) 2021/168 susmentionné, pour désigner par arrêté ministériel, l’indice de référence de remplacement qui lui serait substitué :

L’indice de remplacement ainsi désigné remplacerait alors l’indice concerné dans tous les contrats ou documentations qui y font référence, mais seulement dans l’hypothèse où les contrats ou documentations en cause ne contiendraient aucune clause de repli ou si celle-ci était inappropriée.

Une disposition de repli est considérée comme inappropriée lorsque :
a) elle ne prévoit pas le remplacement définitif de l’indice de référence en cas de
cessation ; ou
b) son application nécessite le consentement d’un tiers qui a été refusé ; ou
c) elle prévoit un indice de remplacement qui ne reflète plus la réalité économique ou le
marché sous-jacents que l’indice de référence en cessation est censé mesurer ou qui
diffère considérablement de ceux-ci.

L’indice de remplacement ainsi désigné par arrêté ministériel ne s’appliquerait qu’à défaut d’accord des parties.

♦ Application dans le temps :

Il est imposé aux professionnels concernés dans un délai de neuf mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi de se conformer aux obligations de formalisation et de documentation du choix de l’indice de référence retenu, d’établissement et de tenue à jour des plans d’urgence et de leur intégration dans les relations contractuelles avec leurs clients.

 

[1] Le taux interbancaire offert à Londres (London Interbank Offered Rat – LIBOR) est le taux d’intérêt moyen de référence quotidien, établi à environ 11 h 45 (heure de Londres) par un groupe de grandes banques du Royaume-Uni, applicable aux emprunts non garantis entre banques. Le LIBOR est basé sur cinq devises (livre sterling, dollar américain, euro, yen japonais et franc suisse).  Il est utilisé comme référence pour fixer, à l’échelle mondiale, le prix de contrats financiers, notamment des prêts hypothécaires et d’autres types de prêts, des cartes de crédit et des contrats dérivés complexes. En 2012, il a fait l’objet d’un scandale de manipulation des taux de grande ampleur par certaines banques britanniques  (s’en sont suivies l’imposition de milliards de dollars d’amendes à ces banques et la condamnation de plusieurs banquiers). Le LIBOR disparaîtra au 31 décembre 2021 pour être remplacé par des « taux sans risques » (risk free rates – RFR) non manipulables.

Pour en savoir plus, voir par exemple > https://www.bankofengland.co.uk/markets/transition-to-sterling-risk-free-rates-from-libor, https://www.banque-france.fr/sites/default/files/rapport_30_f.pdf, https://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD676.pdf,

[2] Exposé des motifs du projet de loi n° 1051, p. 1

[3] Exposé des motifs du projet de loi n° 1051, p. 3.

 

 
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