Loi n°1.537 du 9 décembre 2022 : assujettissement de l’activité de domiciliation exercée à titre principal au dispositif anti-blanchiment et financement du terrorisme

19.12.2022

#LCB/FT #International #GAFI #MONEYVAL #UnionEuropéenne 

Paul TOMATIS


La Loi n° 1.537 du 9 décembre 2022 complétant la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, modifiée (JDM n° 8621 du 16 décembre 2022) est issue du projet de loi n° 1072 reçu par le Conseil National le 24 novembre 2022 et voté lors de la Séance publique du 30 novembre 2022.

Elle assujettit au dispositif de lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme et la corruption, l’activité de domiciliation exercée à titre principal, c’est-à-dire indépendamment de l’activité consistant à effectuer “des opérations de création, de gestion et d’administration de personnes morales, d’entités juridiques ou de trusts”.

Sont ainsi nouvellement assujetties à la Loi n° 1.362 (article 1er) :

“29°) les personnes qui à titre habituel, exercent l’activité de domiciliation consistant à fournir à des tiers un siège social, une adresse commerciale ou des locaux, une adresse administrative ou postale à une société de capitaux, une société de personnes ou toute personne morale ou entité juridique, outre les services accessoires de location de bureaux ou de salles de réunion, d’assistance administrative liées à l’activité de domiciliation, à l’exception de l’exercice de toutes activités réglementées.”


MOTIFS DE LA REFORME :

Cette réforme est motivée par la mise en conformité avec les standards du GAFI et de l’Union Européenne, sollicitée par les représentants du Comité MONEYVAL après leur visite sur place (du 21 février au 4 mars 2022), à savoir :

— la définition des “Entreprises et professions non financières désignées” dans le Glossaire des Recommandations du GAFI où sont visés à la lettre (f) “Les prestataires de services aux trusts et aux sociétés, à savoir les personnes et entreprises qui ne relèvent pas d’autres catégories visées dans les présentes recommandations et qui, à titre commercial, fournissent à des tiers (…) • un siège social, une adresse commerciale ou des locaux, une adresse administrative ou postale à une société de capitaux, une société de personnes ou toute autre personne morale ou construction juridique”.

— l’article 2, 1. 3) c) de la Directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 consolidée, qui assujettit les “prestataires de services aux sociétés et aux fiducies/trusts qui ne relèvent pas déjà du point a) [auditeurs, experts-comptables externes et conseillers fiscaux] ou du point b) [notaires et autres membres de professions juridiques indépendantes] ;”.

Les représentants du Comité MONEYVAL ont ainsi sollicité que l’activité de domiciliation soit également appréhendée lorsqu’elle est exercée indépendamment de celle consistant à effectuer « des opérations de création, de gestion et d’administration de personnes morales, d’entités juridiques ou de trust », ce qui a conduit le Gouvernement à déposer le projet de loi n° 1072.


POUR ALLER PLUS LOIN :

Pour mémoire, l’article 7 du projet de loi n° 1037 (2021-11, 6 mai 2021) [devenu la Loi n° 1.520 du 11 février 2022] avait déjà envisagé l’assujettissement des “27°) personnes qui exercent l’activité de domiciliation ;”.

Le Gouvernement avait motivé cette insertion par référence à l’article 2 1.3) c) de la Directive (UE) 2015/849, et au fait que “l’activité de domiciliation est regardée comme susceptible de faciliter l’anonymat et l’opacité des sociétés en particulier dans le cadre des montages juridiques frauduleux avec l’interposition de sociétés écrans”. (Dossier Législatif, pp. 6-7)

Il avait ce faisant été relevé que :

— l’activité de domiciliation était déjà en partie assujettie au dispositif anti-blanchiment, puisqu’elle figurait parmi les activités offertes par « les personnes effectuant, à titre habituel, des opérations de création, de gestion et d’administration de personnes morales, d’entités juridiques ou de trusts, en faveur de tiers » visées au chiffre 6°) de l’article 1er de la Loi n° 1.362 du 3 août2009, modifiée.

— l’assujettissement devait être étendu aux professionnels qui exercent l’activité de domiciliation indépendamment des activités  précitées consistant à effectuer “à titre habituel, des opérations de création, de gestion et d’administration de personnes morales, d’entités juridiques ou de trusts, en faveur de tiers”. 

La Commission de Législation avait considéré qu’il n’était pas nécessaire de procéder à l’ajout projeté, constatant qu’en pratique “cette activité, qui est d’ores et déjà visée au chiffre 6°) de l’article premier de la loi, présente une faible exposition au risque de blanchiment en Principauté, dans la mesure où le droit monégasque soumet la constitution des sociétés commerciales à un strict régime d’autorisation”(Dossier Législatif, p. 16.)

En définitive, le législateur n’avait pas introduit le nouveau chiffre 27°) dédié exclusivement à l’activité de domiciliation, fondant cette  position sur “la recherche du juste équilibre entre l’appréhension efficiente des risques et la préservation de l’attractivité de la Place.”(Dossier Législatif, p. 25.)

Tenant compte de l’objectif de la Directive (UE) 2015/849 “de limiter la prolifération des boîtes aux lettres dans les pays”, le Gouvernement avait alors indiqué “opérer, d’une part, une sensibilisation des gestionnaires de centres d’affaires afin de s’assurer de l’exercice réel d’une activité en Principauté pour les entités hébergées. D’autre part, il poursuivra ses réflexions au sujet d’une éventuelle augmentation des tarifs liés à la domiciliation au sein de ces centres pour les sociétés civiles.”

Consulter le Dossier législatif – Travaux préparatoires de la Loi n° 1.520 > https://www.conseil-national.mc/wp-content/uploads/2022/02/PL-1520-Dossier-legislatif.pdf

Il reste à relever que la Loi n° 1.528 du 7 juillet 2022 a dernièrement soumis les prestataires de services sur actifs numériques ou sur crypto-actifs dans leur ensemble au respect de la Loi n° 1.362, tenant compte des Lignes directrices du GAFI de l’approche fondée sur les risques appliquée aux actifs virtuels et aux prestataires de services liés aux actifs virtuels.


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