Secteur protégé : annulation par le Tribunal Suprême du régime de délivrance des autorisations de démolir et de reconstruire en cas de démolition intégrale des locaux à usage d’habitation

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Laurent MICOL


Décision TS 2022-01 et 2022-02 Hoirs M. et Association des propriétaires de Monaco c/ Etat de Monaco (recours en annulation sur le fondement du 2°) du A de l’article 90 de la Constitution) [1]


Le Tribunal Suprême a annulé pour atteinte excessive au droit de propriété garanti par l’article 24 de la Constitution, le dispositif législatif conditionnant la délivrance des autorisations de démolir et de reconstruire lorsque des locaux à usage d’habitation dans le secteur protégé font l’objet de démolition intégrale, à savoir l’article 8 (et les dispositions indissociables des articles 1er, 3 et 10) de la Loi n° 1.508 du 2 août 2021 relative à la sauvegarde et à la reconstruction des locaux à usage d’habitation, lequel avait inséré l’article 39-1 dans la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000, relative aux conditions de location de certains locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, modifiée.

Suite à l’annulation partielle des dispositions de la Loi n° 1.508, un nouveau texte de loi devrait être déposé sur le bureau du Conseil National, afin de poursuivre l’objectif d’intérêt général de préservation des logements du secteur protégé.

Les trois autres volets de la réforme portée par la Loi n° 1.508 ne sont pas affectés (redéfinition des personnes protégées au titre de la Loi n° 1.235 ; possibilité pour le locataire d’affecter partiellement un local d’habitation soumis à la loi n° 1.235 à l’exercice d’une activité commerciale ; deux régimes de relogement du locataire évincé, l’un à la charge de l’Etat en présence de travaux de démolition intégrale, l’autre à la charge du propriétaire en présence de travaux autres que ceux de démolition intégrale).

Pour une présentation détaillée de l’ensemble des volets de la Loi n° 1.508, voir notre Panorama législatif 2021 (version PDF, pp. 20-25)


Les atteintes excessives portées au droit de propriété ayant justifié l’annulation partielle des dispositions de la Loi n° 1.508 :

— Obligation des propriétaires d’affecter des locaux accessoires et dépendances (emplacement de stationnement automobile et cave) aux locaux d’habitation de substitution cédés à l’Etat  (suite à destruction intégrale). La Loi n° 1.508 prévoyait la cession des locaux accessoires et dépendances à l’Etat à titre onéreux, mais ne prévoyait pas de compensation en volume pour ces locaux accessoires et dépendances. Le Tribunal Suprême en a déduit que cette absence de compensation en volume était susceptible, eu égard aux caractéristiques de l’immeuble (hébergeant les locaux de substitution), de remettre en cause la disponibilité d’une partie de ces locaux accessoires et dépendances, pour le ou les propriétaires de l’immeuble.

— Démolition et reconstruction des immeubles comprenant des locaux d’habitation régis par la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 du 28 décembre 2000 conditionnée par le respect des dispositions de la Loi n° 1.235. Le Tribunal Suprême a estimé que conditionner la démolition et la reconstruction des immeubles qui comprennent des locaux d’habitation régis par la Loi n° 1.235 au respect de ses dispositions, avait pour effet, dans le cas d’une copropriété, de restreindre l’exercice du droit de propriété, à la fois des propriétaires de locaux d’habitation relevant de la Loi n° 1.235 et des propriétaires de locaux d’habitation non régis par la Loi n° 1.235.

— Condition de localisation des étages spécifiques affectés aux locaux à usage d’habitation de substitution au sein de l’immeuble à bâtir, et octroi en contrepartie par l’Etat d’une majoration du volume constructible. Le Tribunal Suprême a considéré que la Loi n° 1.508 ne garantissait pas que la localisation des étages spécifiques au sein de l’immeuble à bâtir et la majoration de volume constructible n’aient pas d’incidence négative sur la situation et la valeur vénale des appartements des propriétaires de locaux d’habitation ne relevant pas de la Loi n° 1.235.

— Droit de démolir et de reconstruire conditionné par l’entrée en copropriété avec l’Etat. Le Tribunal Suprême a jugé que la Loi n° 1.508 portait également une atteinte excessive au droit de propriété en conditionnant le droit de démolir et de reconstruire son bien à l’obligation, pour les propriétaires concernés, d’entrer en copropriété avec l’Etat pour une durée indéterminée.

— Plus généralement. Le Tribunal Suprême a enfin considéré qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que les objectifs poursuivis par le législateur n’auraient pu être satisfaits par des dispositions portant une atteinte moindre au libre exercice du droit de propriété.


[1] Art. 90 Constitution :

« A. En matière constitutionnelle, le Tribunal Suprême statue souverainement : (…)

2°) sur les recours en annulation, en appréciation de validité et en indemnité ayant pour objet une atteinte aux libertés et droits consacrés par le Titre III de la Constitution, et qui ne sont pas visés au paragraphe B du présent article. »

 

 
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