L’échange de renseignements en matière fiscale entre Monaco et l’Italie

Le 02/03/2015, la Principauté de Monaco a signé avec l’Italie un Accord relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (TIEA)[1], accompagné d’un Protocole d’accord et d’une Déclaration commune, formalisant le dialogue engagé depuis 2009 (Ordonnance Souveraine n° 6.335 du 05 avril 2017 – Journal de Monaco du 07 avril 2017).

 


• Aperçu du contenu de l’accord à travers le contexte de signature.

• Tableau analytique des mécanismes d’échange de renseignements (uniquement dans la Version téléchargeable)


 

► APERÇU DU CONTENU

Les engagements souscrits s’inscrivent dans la feuille de route de la Principauté vers la transparence fiscale et l’échange automatique de renseignements, ainsi que dans un contexte de régularisation du passé avec l’Italie.

 

1. Une conclusion inscrite dans la feuille de route de la Principauté

Cette conclusion était inéluctable au regard de la volonté politique de Monaco d’être en pleine conformité avec le standard international sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales du Forum mondial de l’OCDE. En l’état, le réseau conventionnel de Monaco ne couvre pas encore toutes les juridictions pertinentes ainsi que requis. En tant que partenaire économique traditionnel de la Principauté (hors France, deuxième client derrière la Suisse représentant 9,3 % des exportations et premier fournisseur représentant 25,5 % des transactions[2]), l’Italie était par essence incontournable.

 

1.1. L’Accord (TIEA)

La Principauté souhaitait à l’origine négocier une Convention fiscale tendant à éviter les doubles impositions (Double Taxation Convention, DTC) avec une clause relative à l’échange de renseignements. Le choix d’un Accord relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (Tax Information Exchange Agreement, TIEA) l’a finalement emporté, car « permettant la mise en œuvre rapide d’un mécanisme d’échange de renseignements qui paraît plus adapté aux enjeux »[3], mais avec une spécificité notable par rapport au droit commun des accords TIEA. Si l’Accord italo-monégasque est scrupuleusement construit d’après le Modèle d’accord sur l’échange de renseignements en matière fiscale de l’OCDE[4], il intègre des dispositions-type DTC visant à éviter les doubles impositions sur les revenus[5] et à régler la situation des personnes physiques résidentes des deux États contractants[6].

L’Accord prévoit de manière classique l’échange sur demande pour un cas particulier[7] et la possibilité de contrôles fiscaux à l’étranger[8].

1.2. Le Protocole d’accord

En complément, le Protocole d’Accord (dont les dispositions additionnelles font partie intégrante de l’Accord) s’applique aux demandes de l’Italie sur un groupe identifié de contribuables[9]. Ces demandes de groupe sont relatives aux comptes détenus par les titulaires de compte résidant en Italie auprès des institutions financières situées à Monaco. Elles sont autorisées pour la période comprise entre la date de signature de l’Accord et la date de mise en œuvre d’un accord entre Monaco et l’Italie sur l’échange automatique de renseignements conforme à la Norme commune de déclaration (Common Reporting Standard) de l’OCDE[10].

1.3. La Déclaration commune

La Déclaration commune jointe aux Accord et Protocole contient en effet un engagement politique clair pour la mise en œuvre entre Monaco et l’Italie de la nouvelle Norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (AEOI[11]) selon le calendrier convenu au niveau international, soit à partir de 2018 ainsi qu’entériné par Monaco lors du Forum mondial de Berlin des 28-29/10/2014. Les deux États devront se doter à l’avenir et à cet effet, de nouvelles bases juridiques.

La prochaine étape pour la Principauté est l’adaptation de son dispositif interne[12] afin de pouvoir ratifier la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (STE n° 127) telle qu’amendée par le Protocole de 2010 (STE n° 208), dont l’article 6 constitue un fondement juridique pour l’échange automatique de renseignements[13].

 

2. Une conclusion inscrite dans un contexte de régularisation du passé

Ces instruments s’inscrivent également dans le contexte du Programme de déclaration spontanée (Voluntary Disclosure Programme, VDP)[14] issu de la Loi italienne n° 186/2014 relative à la rentrée des capitaux détenus à l’étranger, entrée en vigueur le 01/01/2015.

2.1. Le Voluntary Disclosure Programme

Le VDP introduit une procédure pour la régularisation fiscale des actifs illicitement détenus à l’étranger par les contribuables ayant leur résidence fiscale en Italie, et pour l’indication des actifs possédés à l’étranger à la fin de chaque année[15]. Du 01/01/2015 au 30/09/2015, les personnes physiques, les sociétés simples[16] et les entités non commerciales[17] peuvent participer au VDP afin de régulariser leur situation fiscale[18] moyennant une imposition subséquente[19],  pour les violations commises avant le 30/09/2014 en matière d’impôts sur le revenu, de taxes additionnelles régionales et communales, d’impôts de substitution, d’impôts régionaux sur les activités productives et de TVA.

2.2. Le retrait des listes noires italiennes

Des sanctions plus importantes sont prévues lorsque les actifs non déclarés sont placés dans des États figurant sur la liste noire italienne des États avec lesquels l’Italie n’a pas conclu d’accord prévoyant l’échange de renseignements en matière fiscale conforme au standard international. Les États qui concluent ce type d’arrangement dans les 60 jours suivant l’entrée en vigueur du VDP, comme c’est le cas de Monaco, sont traités de la même manière que les États figurant sur la liste blanche[20]. La Déclaration commune précise que l’Italie accordera les conditions les plus favorables concernant tous les actifs correspondants détenus par les institutions financières de Monaco. Autrement dit, les contribuables seront soumis à de moindres sanctions administratives et pénales[21].

La Déclaration commune indique également que Monaco est immédiatement supprimée de la liste noire relative à la non-déductibilité des coûts engagés dans les transactions avec les entreprises situées dans les pays qui n’autorisent pas l’échange de renseignements[22]. Ceci élimine un obstacle fiscal significatif rencontré par les entreprises italiennes exerçant des activités commerciales avec Monaco, ces charges étant dorénavant déductibles.

En outre, du fait que la Principauté sera immédiatement incluse dans la liste blanche des pays ayant conclu des accords autorisant l’échange de renseignements[23], les intérêts des emprunts d’État et des obligations privées et publiques payés aux résidents de la Principauté seront exempts de la retenue italienne à la source.

2.3. La coopération des intermédiaires financiers de Monaco

Enfin, l’attitude coopérative dans la régularisation du passé[24], des banques, des institutions financières, ainsi que des consultants et leurs employés sera prise en considération dès lors qu’une évaluation de leur comportement s’avérerait nécessaire.

La Déclaration commune rappelle que les lois italienne et monégasque les tiennent responsables de leurs propres infractions fiscales et non de celles de leurs clients, pour lesquelles ils ne sont en principe pas passibles de sanctions.

 

► TABLEAU ANALYTIQUE DES MÉCANISMES D’ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS

Consulter la Version téléchargeable.

 


[1] Tax Information Exchange Agreement.

[2] IMSEE, Statistiques 2014 de l’Observatoire du commerce extérieur (échanges avec le reste du monde hors France), 03/2015, pp. 12-13.

[3] OCDE 2010, Rapport d’examen par les pairs : Monaco – Phase 1 : cadre légal et réglementaire, p. 57.

[4] Articles 1 à 11, 13 et 14 de l’Accord.

[5] Article 12, 1. de l’Accord. La méthode d’élimination des doubles impositions choisie est celle de l’imputation : l’État de la résidence calcule l’impôt sur la base du montant total des revenus du contribuable, en y incluant ceux provenant de l’État de la source, à l’exclusion cependant des revenus qui ne sont imposables que dans cet État de la source. S’agissant des éléments de revenus perçus par une personne résidant en Italie qui sont imposables à Monaco, le montant de la déduction accordée par l’Italie « ne peut pas excéder la quote-part d’impôt italien imputable à ces éléments de revenu dans la proportion où ces éléments participent à la formation du revenu total ». Aucune déduction n’est accordée si « l’élément de revenu concerné est assujetti en Italie à un impôt de substitution ou à une retenue à la source libératoire ». S’agissant des éléments de revenus perçus par une personne résidant à Monaco qui sont imposables en Italie, la déduction accordée par Monaco s’élève au « montant égal à l’impôt payé en Italie ». Cette déduction ne peut toutefois pas excéder « la fraction de l’impôt monégasque calculé avant déduction, correspondant aux revenus reçus en Italie ».

[6] Article 12, 2. de l’Accord. La situation d’une personne physique résidente dans les deux États est réglée par une hiérarchie de critères : a) foyer d’habitation permanent, centre des intérêts vitaux ; b) séjour habituel ; c) nationalité ; d) commun accord des deux États, application de la législation nationale.

[7] Article 5 de l’Accord. Les renseignements se rapportent à un contrôle, une enquête ou une investigation spécifique concernant un seul contribuable.

[8] Article 6 de l’Accord.

[9] Conformément à l’Article 26 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE et aux commentaires s’y rapportant, tels que mis à jour le 17/07/2012. Une demande de groupe vise à obtenir des renseignements sur plusieurs personnes au modèle de comportement identique. La description de l’état de fait doit être suffisamment détaillée pour fonder le soupçon de fraude fiscale et permettre l’identification des personnes recherchées.

[10] Article 1, 1. du Protocole d’Accord. La Norme commune de déclaration et de diligence raisonnable désigne la Norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (Standard for Automatic Exchange of Financial Account Information), approuvée par le Conseil de l’OCDE le 15/07/2014, est directement inspirée du Règlement FACTA (Foreign Account Tax Compliance Act) du Code fiscal des États-Unis.

[11] Automatic Exchange Of Information.

[12] Les bases légales procédurales de la Principauté sont fixées par l’Ordonnance n° 2.693 du 23/03/2010 relative à la coopération en matière fiscale (modifiée par l’Ordonnance n° 4.336 du 13/06/2013), dont les modalités d’application sont fixées par l’Arrêté ministériel n° 2010-159 du 23/03/2010.

[13] Convention multilatérale signée par la Principauté le 13/10/2014.

[14] Programma di collaborazione volontaria.

[15] Aussi pour les revenus italiens cachés en Italie.

[16] La societa simplice est une société de personnes à responsabilité illimitée qui ne peut avoir d’activités commerciales. Son équivalent monégasque est la société civile (régie par les articles 1670 à 1711 du Code Civil et par la Loi n° 797 du 18/02/1966) constituée pour réaliser des opérations exclusivement civiles (gestion d’un patrimoine immobilier, gestion pour leur propre compte d’un portefeuille de valeurs mobilières, mise en commun de moyens pour l’exercice d’une profession).

[17] La Circulaire 2/DF du 26/01/2009 du Ministère des Finances italien liste des exemples d’entités privées non commerciales (associations, fondations et comités, organisations non gouvernementales, clubs de sport amateur, organisations de service volontaire, entités qui acquièrent le titre fiscal d’organisations non lucratives d’utilité sociale, entités ecclésiastiques relevant de l’église catholique et d’autres confessions religieuses) et les entités publiques non commerciales (État, régions, provinces, municipalités, chambres de commerce, agences sanitaires, entités publiques instituées exclusivement pour l’exercice d’activités dans les domaines du bien-être, de l’assistance sociale et des soins de santé, entités publiques non économiques, organismes de prévoyance et d’assistance sociale, universités et organismes de recherche, agences publiques de services à la personne).

[18] Le contribuable dénonce spontanément au fisc italien les irrégularités commises (formulaire mis à disposition par l’Agenzia delle Entrate). Il doit indiquer tous les investissements et les actifs détenus à l’étranger, directement, indirectement ou par personne interposée. Doivent être fournis tous les documents et informations nécessaires pour la reconstruction des montants imposables non déclarés, pour toutes les périodes imposables pouvant faire encore l’objet d’une vérification fiscale à la date de présentation de la demande de régularisation.

[19] Le contribuable est tenu de régler intégralement, en effectuant un versement unique ou trois versements mensuels, les impôts qui n’ont pas été versés et les intérêts dus. Si la moyenne des encours des activités financières qui résultent à la fin de chaque période imposable n’excède pas 2 millions €, le contribuable peut déterminer les impôts dus sur la base d’une méthode forfaitaire, en appliquant un rendement de 5% à la valeur totale de l’encours des actifs à la fin de l’année et en utilisant un taux d’imposition de 27% afin de déterminer le montant imposable.

[20] Article 1 de la Loi n° 186 du 15/10/2014 modifiant l’article 5 quinquies de la Loi n° 227 du 04/08/1990.

[21] Sanctions réduites à 50 % du montant minimum (contre 25 % du montant minimum). Est également prévue pour les activités faisant l’objet du VDP l’absence de conséquences pénales pour certains délits fiscaux, ainsi que pour le blanchissement et l’auto-blanchissement (autoriciclaggio), le nouveau délit introduit par la Loi n° 186/2014.

[22] Décret ministériel italien du 23/01/2002.

[23] Décret législatif n° 239 du 01/04/1996 et Décret ministériel du 04/09/1996.

[24] Par exemple, aux termes de la Déclaration commune : contacter les clients pour les encourager à utiliser la procédure de régularisation ou encore leur demander spontanément si les actifs déposés sont dûment imposés.

[25] Pour Monaco, les impôts visés sont : – l’impôt sur les bénéfices des revenus commerciaux des personnes physiques ; – l’impôt sur les bénéfices des sociétés ; – l’impôt sur les successions ; – l’impôt sur les donations ; – les droits de mutation ; – les droits d’accise. Pour l’Italie : – l’impôt sur les revenus des personnes physiques (IRPEF) ; – l’impôt sur le revenu des personnes morales (IRES) ; – l’impôt régional sur les activités productives (IRAP) ; – l’impôt sur les successions ; – l’impôt sur les donations ; – l’impôt de substitution.

 
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